L'empire fut dirigé par mwene « le seigneur ». Cette étymologie vient conforter la légende de la fondation de l’empire : dans la première
moitié du XVe siècle, un prince du Zimbabwe nommé Nyatsimba Mutota aurait été envové au nord du royaume pour y
chercher de nouvelles mines de sel. Il aurait fait la conquête de ces terres qui appartenaient aux Shonas et aurait créé
sa capitale, Zvongambe, sur les rives du Zambèze. Il devient donc le « Mwene Mutapa ».
Le successeur de Mutota, Matope, aurait fait la conquête des terres jusqu’à l’océan indien, soumettant les autres
royaumes Shona : le Maniyka, le Kiteve et le Madanda. Le Monomotapa est donc un empire composé d’une métropole
directement dirigée par l’empereur et de royaumes tributaires, qui conservent chacun leur roi et leurs traditions. Par
contre, le commerce extérieur est entièrement contrôlé par le Mwenemutapa, sous peine de mort. A noter que le
Zimbabwe fait aussi partie de l’empire, mais n’est pas construit par le Monomotapa, qui ne fait que récupérer ces
constructions.
2) Un empire prospère
Le commerce de l’Ivoire, du cuivre et le l’or avec les arabes venus du Yémen, les Hindous et même les indonésiens
permet l’enrichissement de l’empire. Et cette richesse est même antérieure : Ibn Battuta relève en 1331, lors de sa
visite à Kilwa, l’importance du port de Sofala. Les découvertes archéologiques confirment l’existence d’un grand
commerce (verre syrien, faïence persane, céladon chinois). Le Monomotapa, protégé des convoitises par les basses
terres insalubres, les difficultés de navigation sur le Zambèze et le Limpopo et le secret bien gardé de l’emplacement
des mines, traite sur un pied d’égalité avec ces marchands. En témoigne la pénétration très lente de l’Islam dans
l’empire, qui conserve sa religion traditionnelle : animisme, culte des ancêtres et rôle primordial des Mkondoros,
médiums responsables du maintient de la prospérité et des traditions.
3) Les Portugais changent la donne
a) des débuts timides
Les côtes du Mozambique présentent plusieurs sites intéressants pour installer les relais nécessaires à la navigation
vers l’Inde. En 1516, des Portugais créent donc des comptoirs à Sofala et Kilwa, alors villes commerciales arabes
importantes. Loin de rester de simples bases de ravitaillement, ces villes attirent des colons avides de partir à la
découverte des mines du roi Salomon et de « cités d’or » que la Bible situe dans ces régions. Des aventuriers, les
« sertanejos », ne tardent pas à s’enfoncer à l’intérieur des terres. Marchands, ils deviennent aussi des conseillers et
des interprètes des rois Shonas. Les Portugais restent cependant dans une position d’infériorité par rapport au
Monomotapa. Les capitaines ou gouverneurs qui s’installent dans les comptoirs doivent payer à l’empereur une très
grosse somme d’argent, comme s’ils lui achetaient leur charge ou le droit de résider. Ils doivent également accepter
une taxe de 50% sur toute marchandise qui est importée dans l’empire. Pour finir, à intervalles réguliers, des Portugais
sont massacrés, de façon à leur rappeler la précarité de leur situation.
b) Une pression de plus en plus forte
Au XVI siècle, le Monomotapa devient une sorte de fantasme, visible sur les cartes éditées en Europe, qui exagèrent
grossièrement son importance en l’étendant de l’Angola au Mozambique. La pression portugaise s’accentue donc
fortement.
En 1561, Un missionnaire jésuite réussit à convertir le Mwenemtutapa. Face à la colère de marchands musulmans, le roi se ravise et fait exécuter le missionnaire. C’est là le prétexte rêvé d’une intervention portugaise. En 1568, plus de 1000 hommes, dirigés par Francesco Barreto, tentent de prendre le contrôle des mines d’or et des zones de chasse aux éléphants. Ils avancent jusqu’au haut Zambèze mais doivent se replier, suite aux maladies qui les déciment. En 1572, cependant, les Portugais contrôlent les plaines côtières. Ils sont désormais des intermédiaires obligés pour le commerce dont dépend la prospérité de l’empire. Ce dernier reste cependant puissant : le contrôle très rigoureux de la production aurifère par le Mwenemutapa ne permet pas non plus aux Portugais de se passer de lui.
En 1629, le Mwenemutapa se sent assez fort pour expulser les intrus. Il échoue et les Portugais le détrônent pour
installer à sa place un fantoche, Mavura Mkande Felipe. Il signe avec eux un traité qui lui permet de conserver une
indépendance de façade tout en vassalisant l’empire : les Portugais ont désormais la permission d’installer des
comptoirs fortifiés dans tout le royaume et d’accéder aux mines d’or…qu’ils s’obstinent à ne pas croire épuisées.
Le prestige du Mwenemutapa est sérieusement affecté par ce traité. Des successions difficiles permettent aux portugais de s’immiscer de plus en plus dans les affaires de l’empire en appuyant des factions rivales. Les royaumes tributaires cessent alors de payer et s’émancipent de plus en plus. La fin réelle de l’empire peut donc être placée en 1629, même s’il survit encore durant des siècles Il semble que le commerce des esclaves ait également joué un rôle dans le déclin du Monomotapa, qui se trouvait à la confluence des demandes arabes, perses, indiennes et européennes. Une fois les ressources en or épuisées, ce commerce a provoqué une nette baisse de la population dans le sud-est de l’Afrique.
c) Un déclin qui n’en finit pas
Au XVIIe siècle, l’empire s’effiloche peu à peu. Au sud du Monomotapa, la dynastie Rozwi crée le royaume Butwa. Cette
région tributaire de l’empire refuse alors de payer les taxes et commerce directement avec les Portugais. Non
seulement le Mwenemutapa se monte incapable de les châtier, mais il est en plus déposé par les Portugais en 1663.
Plus tard, en 1684, le Mwenemutapa Mukombe est battu à la bataille de Mahvugwe par le changamire (roi) Rozwi,
Dombo.
En 1692, à la mort du Mwenemutapa Mukombe, une énième guerre de succession oppose le candidat des portugais et celui des Rozwi. Après moult massacres, les Rozwi réussissent à prendre le contrôle des régions aurifères du Manyika.
Ils sont désormais plus puissants que le Mwenemutapa, au point d’imposer leur candidat au trône impérial en 1712.
L’empire recouvre un semblant d’indépendance en 1720, lorsque les préoccupations des Rozwi les portent plus au sud où l’installation des Hollandais commence à produire ses effets dévastateurs. La capitale est déplacée à Tete, dans la basse vallée du Zambèze où le Mwenemutapa se réfugie sous la protection des Portugais.
Une dernière guerre de succession en 1759 achève de ruiner l’empire. Le roi perd le titre de Mwenemutapa et se
contente de celui de Manbo (roi) du royaume de Karanga. Les portugais laissent survivre ces vestiges d’empire jusqu’en 1917. Dans une bataille, le dernier Mambo est tué et ne sera pas remplacé.