Les Koongos, habitants de l’Afrique centrale, sont répartis entre le sud-ouest de la République démocratique du Congo, le sud du Congo-Brazzaville, l’Angola et le sud du Gabon. A cause de l’esclavage, les Koongos sont également présents en Jamaïque, en Haïti, au Brésil, à Cuba etc. Aujourd’hui, il est presque impossible d’estimer leur nombre.
Les Koongos pré-Diégo Cao, avant le XVe siècle, avaient un royaume alors à son apogée, dont l’organisation sociale et politique, et surtout le raffinement de la cour du roi, seduisirent les premiers Européens. Administrativement, ce royaume comptait six provinces avec un représentant du Ntinu Koongo, Nzinga Nkuvu à leur tête. On estime à plus de 2 500 000 km2 la superficie du royaume. En effet, la première pénétration portugaise au royaume des Koongos remonte à 1482. La vie européenne allait s’introduire dans ce royaume et y subsister jusqu’en 1975, au moment où le Portugal se retirerait.
Quand on songe aux conséquences des contacts entre les Koongos et les Occidentaux dans leur ensemble on conclut que l’étoile du royaume a pâli à cause des souffrances que ces derniers ont infligées aux Africains. Ces souffrances sont responsables d’une crise vitale qui a précipité la décadence du royaume des Koongos en particulier, et de l’Afrique en général.
A leur arrivée, les Portugais disaient que leurs actions étaient strictement humanitaires. Une mission humanitaire à cette époque consistait à « christianiser » au sens second du terme, c’est-à-dire, modifier radicalement l’Etre. Or, modifier radicalement l’être, c’est lui ôter toute son existence, son identité et en l’occurrence sa négritude.
Il en ressort très clairement que chez les Européens il y a eu la volonté manifeste d’occidentaliser l’Africain, de l’intégrer dans la ‘’civilisation supérieure’’ en l’arrachant à la ‘’sauvagerie’’ dans laquelle il baignait. Pour arriver à leurs fins, la religion fut l’arme la plus efficace. Elle condamnait des valeurs chères au peuple Koongo tout en recommandant d’autres, qui le bannissaient. C’est ainsi qu’à partir de 1491, il y eut des conversions en masse. Des centaines des Koongos furent tentés par la nouvelle religion des Européens. Le roi des Koongos, Nzinga Nkuvu fut baptisé et prit le nom de Ndo Nzuawu.
D’autres, par contre, seront sceptiques à la religion des Blancs ainsi qu’à leurs réelles intentions. Ils comprirent que le catholicisme aliène les Koongos en les détournant de leur identité pour une autre dont ils ne maîtrisent pas les données. Ils étaient sûrs que ces étrangers dépouillaient l’Africain de son identité, ce qui n’est pas différent de la négation de leur humanité.
Il y eu deux groupes d’hommes, deux conceptions, deux vissions du Monde : ceux qui acceptent les Occidentaux et deviennent catholiques, les ‘’collaborateurs’’ et ceux qui résistent et tiennent à leur ‘’identité nationale.’’ Ceux-là refusent tout mélange susceptible de cautionner la supériorité des Européens sur les Africains.
Ces querelles relatives à l’identité fragilisent l’unité du royaume. Aujourd’hui, cette problématique est encore au centre de toutes les questions liées au développement du continent africain. Il faut dire que l’Afrique noire était « mal partie » dès le premier contact avec l’Etranger. L’attitude ambiguë des uns et des autres face à cette question a creusé le fossé dans lequel l’Européen s’est introduit afin de mieux parvenir à ses fins : l’expropriation et la spoliation du continent africain. Ambiguë, telle fut aussi l’attitude de Nzinga Nkuvu qui malgré sa conversion, ne renonça pas à ses six femmes (soit une femme par province), ses croyances en Nzambi-a-mpungu et aux pouvoirs ancestraux. Les Occidentaux ne manqueront pas de lui reprocher son refus des valeurs véhiculées par le christianisme. Cette remarque sera à l’origine d’un incident qui obligera le roi à les expulser hors du royaume avec le soutien de son fils aîné, Mpanzu-a-Nzinga prétendant favori à la succession. Tous les Etrangers furent chassés du royaume. Tous trouveront l’asile dans la province dirigée par le fervent chrétien Mvemba Nzinga, baptisé Afonso 1er, deuxième fils du roi, en dépit du mécontentement de Nzinga Nkuvu.
En 1518, à la mort du Ntinu Nzinga, les Portugais assassinent le fils aîné hostile à toute forme de relations avec le Portugal. Mvemba Nzinga, largement influencé dès son enfance par le christianisme, devint roi. Ce complot renforça la division du royaume et l’affaiblissement des pouvoirs du Mani Koongo. Face à la menace des groupes opposés à l’Eglise catholique et à la présence missionnaires, Nvemba Nzinga trouve protection parmi les prêtres commerçants qui deviennent de plus en plus nombreux à la cour du roi. Afonso 1er perd alors le contrôle du pouvoir et du vaste royaume au profit des missionnaires qui s’attribuent des postes importants au détriment des autochtones. Dès lors, le royaume était sous administration des étrangers.
C’est à cette époque que les Portugais imposent le christianisme au peuple Koongo. Au nom du christianisme, les Occidentaux détruisent les coutumes ancestrales : les enseignements divins transmis par des ancêtres depuis des siècles. Cette pratique met au jour leurs réelles intentions : détruire l’identité des Koongos en premier lieu et les « chosifier », et même les réduire au rang des bêtes. Ils s’acharnaient à faire des Africains ce qu’ils n’étaient pas. Ainsi, les Occidentaux se sont-ils octroyé le droit de disposer des Koongos et de leur liberté, de faire d’eux un objet de commerce, de les vendre. Tandis que d’autres Occidentaux Outre-Atlantique s’octroyaient aussi le droit de les acheter pour disposer d’eux et les réduire en esclavage : le commerce de la chair humaine prenait naissance.
Afonso 1er tentera de résister en écrivant au roi Jean III du Portugal pour lui demander de mettre fin à cette pratique. Il reçut une réponse cynique et les relations entre les deux royaumes s’envenimèrent. Tous les ingrédients étaient réunis pour que le commerce des Koongos vers les Amériques prenne de l’ampleur. Derrière un missionnaire qui était venu apprendre aux Africains qu’ils étaient tous frères en humanité pouvait se cacher un commerçant d’hommes, de la même façon que peut se cacher un pédophile derrière un prêtre.
En somme, la christianisation et l’esclavage du peuple Koongo sont à l’origine de la dislocation du royaume. Mais, au-delà de ces deux aspects, il y a la question de l’identité, de l’ensemble des valeurs. Quand un peuple perd son identité, il devient manipulable et donc exploitable au gré du puissant. Et cela, les esclavagistes l’avaient compris. Les différents rois qui vont se succéder à Mbanza Koongo, tous catholiques, seront intronisés par des Occidentaux. Ce sont aussi les Occidentaux qui se chargent d’assurer leur sécurité, car au sein du royaume certains groupes ne tolèrent pas ces rois complices.
Le Koongo restera le plus important comptoir portugais. Les sujets koongos étaient très cotés sur le marché. Au début, Mpinda vendait entre 10 à 20000 hommes par an ; il faut ajouter à ceux-là les 5 à 10000 qui succombaient à la suite des maltraitances. Grâce à ce trafic qui viole tous les droits de l’homme, le Portugal va connaître un essor économique important, et ce succès attisera la convoitise des Français, Anglais et Hollandais.
Ainsi, en 1602, Mpinda fut attaqué par la flottille française. En 1606, les Hollandais essaient de s’y établir. Mais, les Portugais réussiront à repousser Français et Hollandais. Ils conserveront le monopole de la traite jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
En 1648, le Portugal est en déclin, ainsi les Hollandais obtiennent-ils le droit de s’y installer et de pratiquer le trafic des Koongos après avoir rasé Mpinda. Ils seront suivis par les Anglais.
Fortement affaibli par la dépopulation, le royaume des Koongos se disloqua, chaque province sous tutelle portugaise, britannique, ou libre, devenant indépendante.
C’est dans ce contexte que l’impudence des Portugais a atteint un degré extrême en livrant la bataille d’Ambuila en 1665. En effet, les forces portugaises en provenance de l’actuelle Angola, c’est-à-dire des zones conquises, accompagnées des troupes soumises furent en mesure de vaincre les forces du roi Antoine Ier, l’animiste, non soumis à l’Eglise catholique et à l’Occident. Cette bataille a fait des milliers de morts, à la suite d’une épuration des résistants au catholicisme. La tyrannie monstrueuse des esclavagistes venait de décimer le peu qui restait des défenseurs des valeurs Koongos. Tous les polygames et tous les féticheurs ainsi que leurs enfants furent tout tués et leurs maisons incendiées. 1665 marque le pic de la violence et de la décadence du royaume. Le désarroi fut total jusqu’à l’arrivée des Français qui étendent leur influence vers Louango (actuelle Pointe-Noire) et Malemba. Cette bataille a réduit à un état de misère accablant qui a mis les Koongos dans l’incapacité de se relever. La cause de cette malheureuse position vient du non- respect de l’humanité et de l’identité des Africains.
Le début du XVIIIe siècle, sous le règne du roi Pedro IV, connaîtra une tentative de restauration du royaume grâce aux Antoniens. En effet, le retour des résistants, sur la scène politique du royaume répond au souci de rebâtir l’unité du royaume. Dona Béatrice connue sous le nom de Kimpa Nvita, âgée à peine de vingt ans, « entendit la voix de Saint Antoine » lui recommandant de rétablir le royaume ainsi que l’autorité du roi afin de sauver les Koongos du joug des étrangers. Ainsi, à partir de 1704, plus de 80 000 Koongos venus de toutes les provinces fédèrent autour d’elle à Mbanza Koongo longtemps déserté. Elle prêche sur l’identité des Koongos. Des milliers des personnes converties au catholicisme rejoignent son groupe. Pour la première fois depuis bien longtemps, le peuple, sans distinction de province, criait et acclamait, chantait et dansait, riait et pleurait joyeusement. L’enthousiasme général les gagna. La foule scandait les cris de liberté. Kimpa Nvita était devenue une menace qui pouvait conduire à la chute de l’Eglise et mettre en péril la traite négrière. Les Portugais sentant grandir la menace liée aux revendications identitaires des opposants, capturent Kimpa Nvita. Elle fut brûlée vive sur un bûcher le 2 juillet 1706. Mais, ses nombreux adeptes trouveront dans son action un motif de continuer le combat pour la libération de l’Africain. Dorénavant, confiant dans le soutient spirituel de Kimpa Nvita, ils lutteront pour briser l’ordre établit afin de redorer le blason terni de la négritude. A partir de 1706, les nouveaux esclaves Koongos – dans tous les lieux où ils sont vendus - se révoltent et revendiquent leur liberté. La question de la liberté des peuples s’associe avec force à celle de la reconnaissance de leurs valeurs et de leur dignité. Anisi, avec l'aide de Makandala et Toussain Louverture, les Koongos vendus en Haiti, infligéront à l'armée de Napoléon, la plus puissante à l'époque, sa plus lourde défaite D'où la libération du premier pays noir et la deuxième révolution au Monde après la révolution américaine, en 1804.
Bibliographie et annexes