A Bacongo, les ménages avec lesquels nous avions pu discuter nous témoignaient leur désarroi et leur désespoir quant à l’avenir. « Ici, tout le monde est pauvre ».
Face à toutes ces déclarations poignantes, notre souci majeur était de savoir de quelle pauvreté parle - t - on ? Qui est pauvre ? En fait, qu’est ce que la pauvreté ? Peut - on encore la mesurer à partir des indices qui font la qualité de vie (possession d’un téléviseur, d’un congélateur ou d’une voiture par exemple) dans un quartier où toute la population a perdu ses biens ? Toutes ces questions exigent d’être prudent compte tenu de l‘histoire du quartier. Qui est pauvre à Bacongo et comment le mesurer ?
Comment définir un concept comme la pauvreté, sans courir le risque de nommer pauvres ceux qui ne le sont pas réellement ? Mais, un autre risque serait de ne pas nommer pauvres ceux qui le sont en réalité. C’est là toute la difficulté. Il s’agit de définir la pauvreté en cherchant à répondre à la question : qui sont pauvres et qui ne le sont pas ? Où sont les limites entre les uns et les autres ? Comment à partir de la qualification ou des qualifications arriver à la quantification ?
Pour répondre à ces interrogations nous nous sommes reférés aux approches déjà proposées par d’autres chercheurs. L’objectif est de sélectionner celle qui répond au mieux, non seulement à notre recherche, mais aussi à notre milieu d’investigation. L’analyse de ces approches doit nous aider à mieux saisir ce fléau multidimensionnel : Pauvreté objective et subjective, pauvreté des potentialités et pauvreté humaine, pauvreté relative et pauvreté absolue, pauvreté conjoncturelle et pauvreté structurelle…
Cette complexité rend les recherches ardues. Dans ces conditions, notre étude ne peut pas répondre de façon globalisante aux attentes.
Notre thème est pauvreté et fécondité des ménages dans un milieu qui présente, nous l’avons souligné, quelques particularités. le tour des approches nous a permis de retenir l'approche monétaire qui nous paraît la plus opérationnelle. Pour y arriver, nous allons analyser l’approche théorique de la pauvreté.
Notre recherche porte sur la pauvreté et fécondité des ménages. A ce titre, la pauvreté monétaire est bien indiquée pour ce que nous comptons vérifier. Il s’agit de vérifier s’il y a corrélation entre pauvreté et fécondité dans les ménages à Bacongo. Pour ce faire, le seuil mixte est la plus adapté parce qu’il nous renseigne sur la satisfaction ou l’insatisfaction des besoins vitaux au sein des ménages. Le seuil mixte permet aussi de saisir le phénomène à travers les revenus ou les dépenses des ménages. Pour des raisons évidentes nous retiendrons la dimension ’’ revenu ‘’ parce que plus visible. Alors que les dépenses d’un ménage peuvent avoir pour source l’endettement. Dans ces conditions, il n’est pas évident d’imaginer une amélioration des conditions du groupe.
Par ailleurs, saisir la pauvreté par les dépenses ne renseigne en rien sur les revenus, les dépenses effectuées représentent-elles la totalité ou la moitié des revenus des ménages ? Cette question importante dans l’analyse de la pauvreté reste sans réponse si nous considérons la dimension dépense.
En revanche, le revenu aide à effectuer les dépenses. Pour toutes ces raisons, nous allons travailler avec la dimension revenu. Nous sommes conscients des risques à encourir en faisant ce choix. Mais, nous l’avons déjà annoncé, nous n’avons pas la prétention de faire un travail parfait. Notre intérêt est de rendre compte d’une situation, la gravité de la pauvreté avec une marge d’erreur liée à la mesure utilisée.
La place du revenu dans une société fortement urbanisée
Le revenu est essentiel dans la vie. Il permet d’acheter la nourriture, le vêtement, le logement… Il constitue le principal moyen de satisfaire les besoins qui font la qualité de vie en milieu urbain. Un revenu important confère un niveau de vie correct, une alimentation suffisante, un logement convenable, une eau salubre et un système sanitaire satisfaisant. Il peut être investi en vue d’être fructifié, « l’argent appelle l’argent » disait Pamelo MOUKA (chanteur congolais).
L’argent représente la principale dimension du bien-être pour les populations urbaines. Cela signifie qu’à Brazzaville, un indicateur monétaire peut être utilisé pour mésuser le niveau de bien-être car le degré de monétarisation de l’économie est très élevé et l’augmentation des revenus des ménages peut constituer un meilleur moyen permettant d’améliorer la crise à Brazzaville. Par ailleurs, dans une enquête menée dans un milieu rural au Bénin par LARIVIERE S., & all (1994), la dimension argent vient en première position derrière l’enfant, l’emploi et la santé et dans un milieu rural cela ne pouvait pas être a priori imaginé. C’est dire de l’importance de cet indicateur pour saisir ce fléau.
Brice MATINGOU, Publié in Inégalité des revenus et fécondité
des ménagess entre 1994 et 2004: cas du quartier Bacongo,
mémoire DEA, Université paris1 Sorbonne, 2004