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  • : AFRIQUE-PAUVRETE-AVENIR
  • : Ce blog traite des causes endogènes et exogènes liées à la pauvreté de l'Afrique. Il fait par ailleurs un pont entre l'Afrique et la France: la françafrique.
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12 décembre 2006 2 12 /12 /décembre /2006 11:26

 

 

 

 Photob 001           Bacongo est un quartier ancien de Brazzaville. Il fut crée en 1909, ensemble avec l’agglomération indigène de Poto-poto. Ceci, afin « d’éloigner les autochtones de la cité européenne du centre ville » (BICKOUTA, 1997). Il fut érigé en commune indigène le 1er février 1944 par Félix EBOUE.

A sa création, sa population était homogène, essentiellement composée des originaires de la région du Pool. Ceci est confirmé par BALANDIER qui note : « en dehors des 36,6% des citadins d’origine, environ 57 % des populations proviennent des districts voisins du centre : Kinkala, Boko, Mayama, Linzolo… ». Pour sa part, Poto-poto était constitué par une population hétérogène du fait que plusieurs « membres des groupes ethniques du nord ont été à sa formation » (BALANDIER G., 1985).

Avec l’aspect d’un quadrilatère irrégulier, Bacongo fut partagé en 7 sous quartiers de superficies inégales, les plus anciens étant à la fois les moins étendus et les plus peuplés. Citons :

 

 1 - Dahomey            2 - Kondo                 3 - Mbama

 4 - Mamboni            5 - Bounssana           6 - Mpissa                    7 - Makélékélé   

 

           Deux études, l’une menée au quartier Dahomey et l’autre au quartier Total nous ont  permis de retracer l’histoire de l’urbanisation et du peuplement de l’arrondissement II. Ces études sont complétées par nos enquêtes orales.

Les premiers habitants de Bacongo furent tous des ruraux venus des régions situées au sud de Brazzaville constituées essentiellement des Kongo. Dahomey fut occupé en premier à cause de sa proximité avec le centre ville, ville européenne, lieu de prédilection pour l’emploi. En effet, les ruraux viennent en ville pour y travailler. Ceux qui « réussissent » en ville font venir les membres de leur famille restés au village. Après un hébergement temporaire ceux-ci deviennent « propriétaires » et peuvent à leur tour recevoir les nouveaux arrivants. L’urbanisation est essentiellement verticale. Dahomey ne va plus contenir l’ensemble de sa population à cause de sa superficie. Ainsi, d’autres quartiers vont voir le jour comme Kondo, Mbama et Boutsana (zone très éloignée, d’où son nom « tristesse »).

Vers 1950, à la suite d’une mesure gouvernementale, les habitants de Dahomey sont déplacés et installés au quartier Total, nom tiré de la station service Total. Aux alentours de la station service, les populations improvisent un marché qui devient le marché Total. Proche du marché une zone résidentielle sera implantée. Des maisons furent construites et reparties aux ménages en provenance de Dahomey. Ainsi, fut crée le quartier Total, anciennement pépé (avion), parce qu’abritant le premier aérodrome de Brazzaville.

Il y a deux assertions qui sont évoquées pour justifier ce transfert. La première stipule que le gouvernement craignait les contestations et les révoltes des habitants de Dahomey proche du palais présidentiel.

La deuxième stipule que le gouvernement comptait y construire des gratte-ciel comme ceux de Kinshasa qui donnent sur le fleuve Congo.  

 

             Les années 1960 vont connaître la création de Makélékélé qui va vite dépasser ses limites  et devenir ainsi une commune autonome. Par la suite, des nouveaux quartiers seront crées : la glacière et Mpissa. D’autres seront renommés : Boutsana devient St-Pierre (à cause de la présence sur le lieu d’un édifice religieux). D’autres encore vont naître après un nouveau découpage: l’Amitié (nom d’une école anciennement appelée l’école des filles); Permanence (nom d’un bar dancing) et Nkéoua (nom d’un ancien juge traditionnel).

De nos jours Bacongo est divisé en 9 sous quartiers : 

1 - Glacière                      2 - Dahomey                           3 - Mbama

4 - St Pierre                     5 - Permanence                       6 - Total

7 - Amitié                        8 - Nkéoua                              9 - Mpissa

 

           Sur le plan démographique, Bacongo comptait 73271 habitants, soit 36911 hommes et 36360 femmes pour près de 15 195 ménages, soit 4,8 personnes par ménage (C.N.S.E.E., 1996). Dans l’ensemble, le nombre d’enfants par femme à Bacongo est inférieur par rapport à celui de Brazzaville.

 

                     Taux de natalité                 Nbre d’enfants/ femme à Brazzaville
1974                  51,3°/00                                               7,1

1984                  42,2°/00                                                5,1

1990               32,9 / 35,2°/00                                         4,5

 

          En 1998, dans les conditions nettement meilleures, une étude réalisée à Total, comptait une proportion de 31 % des ménages très pauvres, 47, 6 %  pauvres et  21, 4 %  seulement n’étaient pas touchés par ce fléau. (MATINGOU B. , 1998)

 

          Aujourd’hui, Bacongo offre l’image d’une pauvreté majoritaire. La prolifération des petits commerces d’opportunité visibles dans toutes les rues; la présence  à tous les coins des enfants de la rue et des ‘’petites prostituées’’ sombrent encore le tableau qui ne prête guère à l’optimisme. Il faut dire que les habitants de Bacongo, comme ceux de tous les quartiers sud de Brazzaville, fief de l’opposition, payent le prix fort de leur soutien aux opposants politiques congolais.

Les Kongo, population majoritaire de notre zone de recherche, connus pour leur débrouillardise et leur bravoure y menaient une vie tranquille avant les années 1990. Puis vinrent les guerres : deux guerres civiles : celle de 1993 - 1994 et celle de 1997 qui a conduit les opposants en exile. Ces habitants devenus ’’orphelin’’ politiquement pouvaient encore compter sur leur bonne maîtrise des stratégies de survie. Et ‘’les affaires continuaient à bien marcher’’ jusqu’à ce jour du 18 décembre 1998. C’était le début d’une guerre civile entre une milice armée, appartement au pouvoir contre un groupe des rebelles armés en plein centre de Bacongo, au milieu des civils. Mais après deux jours de combat les rebelles se retirent de la ville pour se réfugier dans le Pool. Ce fut le début de  L’opération Hérode, nom du code de la mission reçue par la milice du pouvoir. Cette opération, comme l’indique son nom, visaient à tuer tous les garçons Bakongo âgés de 15 à 35 ans. On parle de plus de dix milles morts, jamais confirmés par le Gouvernement.  Cette guerre, aux conséquences en perte des biens mobiliers et immobiliers jamais évaluées, a laissé une population ruinée par des pillages, détruite par les viols et traumatisée par les braquages.

Quant aux origines de cette guerre, elles demeurent inconnues, ce qui fait dire à certains qu’elle fut organisée par le pouvoir et perpétrée contre les Bakongo pour les punir. Les punir, c’est à dire, les appauvrir à cause de leur opinion politique et de leur réussite sociale étonnante.  Si on en croit les rumeurs, le pouvoir utilise la pauvreté comme une arme en vue de maintenir ce peuple dans le silence et l’obéissance politique. L’insécurité y règne toujours, les coups de feu sont quotidiens et la peur généralisée à des fins politiques. A Bacongo, les initiatives individuelles sont bafouées, « l’avenir est dans un trou noir et profond » (l’expression couramment utilisée).

        


                                                                                       Brice MATINGOU, Publié in Inégalité des revenus et fécondité
                                                                                       des ménages entre 1994 et 2004: cas du quartier Bacongo
                                                                                       mémoire DEA, Université paris1 Sorbonne, 2004      

 

 

 

 

 

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